Combattre la Crise du Personnel par l'Amélioration des Conditions de Travail et des Salaires
par Didier Besly - CHR Consulting
Plusieurs sujets abordés dans cet article seront traités séparément dans de futurs articles…
Augmenter les salaires dans un restaurant sans compromettre la rentabilité est une entreprise délicate qui exige une stratégie bien pensée. Cela nécessite de jouer sur plusieurs leviers pour équilibrer les coûts croissants avec une amélioration globale des performances. Voici des suggestions détaillées pour augmenter les salaires sans compromettre la rentabilité, en prenant en compte des aspects tels que la suppression des horaires atypiques (horaires à coupure), l'amélioration des processus opérationnels, et une analyse approfondie des KPI (Key Performance Indicators).
1. Optimisation de la Carte (Menu Engineering)
Objectif : Augmenter la marge bénéficiaire des plats.
Le prérequis est obligatoirement la rédaction et le chiffrage des fiches techniques pour chaque plat et/ou prestation vendu de l’entrée la plus simple jusqu’au café, sans oublier d’intégrer dans le chiffrage le coût des non vendus (pain, huile vinaigre etc)..
Description : Analyser la carte pour comprendre quels plats sont les plus rentables (ceux qui ont la meilleure marge bénéficiaire) et lesquels sont les moins populaires.
Actions à prendre :
Identifiez les plats qui se vendent bien et qui offrent une bonne marge et concentrez vous sur eux. Les plats peu rentables ou qui ne se vendent pas devraient être retirés du menu.
Réduisez le nombre de plats au menu pour rationaliser les coûts d’inventaire et simplifier les préparations. Cela réduira le gaspillage et les coûts liés aux ingrédients peu utilisés.
Introduisez des plats à forte marge qui peuvent être vendus comme des "suggestions du chef", en particulier pendant les périodes de forte fréquentation.
Exemple : Si un plat coûte cher à produire mais est rarement vendu, envisagez de le retirer du menu et de le remplacer par un plat populaire et rentable.
KPI à suivre : Marge brute par plat, popularité des plats (ventes unitaires), coût des ingrédients par plat.
2. Amélioration de la Productivité des Employés
Objectif : Augmenter la productivité pour pouvoir récompenser les employés avec des salaires plus élevés.
Description : Optimiser les tâches et l'organisation en cuisine pour rendre chaque employé plus productif.
Actions à prendre :
Formations régulières : Former les employés à de meilleures techniques de cuisine, d'organisation et de service. Des employés bien formés peuvent accomplir plus en moins de temps.
Amélioration des processus : Réorganiser la cuisine et les espaces de travail pour limiter les déplacements inutiles et gagner du temps. Par exemple, rapprocher les ingrédients des postes de travail pour éviter les déplacements fréquents.
Digitalisation des commandes : Utiliser des outils numériques pour gérer les commandes (tablettes, logiciels de gestion) afin de réduire le temps d'attente des clients et améliorer la précision des commandes.
Exemple : Si un employé en salle doit systématiquement retourner à la cuisine pour vérifier une commande, la mise en place d'un système de commande numérique peut éviter cette perte de temps.
KPI à suivre : Temps moyen de préparation des plats, temps d'attente des clients, nombre de plats préparés par heure par employé.
3. Gestion Efficace des Stocks et Réduction du Gaspillage
Objectif : Réduire les coûts des matières premières pour augmenter la marge brute.
Description : Le gaspillage alimentaire est un poste de coût significatif qui peut être réduit par une meilleure gestion des stocks :
Le gaspillage alimentaire représente un coût significatif pour les restaurants, impactant directement leur rentabilité. Selon une étude de l'ADEME, les pertes et gaspillages alimentaires en restauration collective s'élèvent en moyenne à 0,27 € par repas, soit environ 14 % du coût des matières premières.
En France, le gaspillage alimentaire total est estimé à 10 millions de tonnes par an, représentant une valeur théorique de 16 milliards d'euros si ces aliments étaient valorisés en alimentation humaine.
Pour les restaurants, une gestion efficace des stocks et une réduction du gaspillage alimentaire peuvent donc entraîner des économies substantielles, permettant de réallouer ces ressources, par exemple, à l'augmentation des salaires du personnel sans compromettre la rentabilité de l'établissement.
Actions à prendre :
Prévisions de vente : Utiliser les données historiques pour prévoir les ventes de chaque plat et ajuster les achats en conséquence.
Comparaison entre un Établissement Sans Prévisions et un Établissement Avec Prévisions
Établissement Sans Prévisions de Vente :
Dans un établissement qui ne fait pas de prévisions de vente, les achats d’ingrédients sont souvent faits de manière approximative, sur la base d'estimations grossières ou des habitudes historiques qui ne prennent pas en compte les variations de la demande (comme la saisonnalité, les événements locaux, les tendances alimentaires). Voici les conséquences possibles :
Coût élevé des stocks :
Les commandes excédentaires entraînent un excès de stock. Par exemple, si un restaurant commande chaque semaine pour 500 couverts sans ajuster en fonction des tendances, il est probable qu'une partie des ingrédients reste inutilisée.
Données chiffrées : En moyenne, dans un restaurant qui ne fait pas de prévisions, les pertes liées au gaspillage alimentaire peuvent représenter 8 à 12 % du coût total des matières premières chaque semaine. Cela signifie que sur un budget de 10 000 € par mois, entre 800 € et 1 200 € sont perdus à cause de stocks non utilisés ou périmés.
Gaspillage Alimentaire :
L'absence de prévisions entraîne souvent des surplus qui ne peuvent être utilisés à temps. Par exemple, si un plat ne se vend pas comme prévu, les ingrédients frais non utilisés peuvent être jetés.
Exemple concret : Pour un établissement servant en moyenne 200 couverts par jour, une mauvaise anticipation des commandes pourrait aboutir à une perte quotidienne d’environ 50 kg d’aliments (ce qui est une moyenne constatée par l'ADEME en restauration).
Gestion des Coûts Inefficace :
Le coût des matières premières est instable et souvent plus élevé que nécessaire en raison d'achats non optimisés.
Coût alimentaire en pourcentage des ventes (Food Cost) : Il est souvent supérieur à 35-40 %, en partie à cause de l’incapacité de faire correspondre les achats aux ventes réelles.
Comparaison des KPI Entre les Deux Établissements :
Conclusion
L’utilisation des prévisions de vente est un outil clé pour un restaurant cherchant à améliorer sa rentabilité tout en augmentant les salaires de ses employés. Un établissement qui intègre des prévisions adéquates réduit son gaspillage, optimise ses coûts de matière première, et améliore l’efficacité des équipes. Ces améliorations permettent de dégager une marge suffisante pour investir dans de meilleures conditions de travail et une rémunération plus élevée, tout en maintenant la rentabilité de l’entreprise.
Les données montrent que même de petites améliorations dans la prévision des ventes peuvent avoir un impact significatif sur la performance financière d'un restaurant. L'enjeu est de comprendre ses clients, d'anticiper la demande et d'ajuster ses pratiques en conséquence.
FIFO (First In, First Out) : Utiliser la méthode FIFO pour s'assurer que les ingrédients les plus anciens sont utilisés en premier, afin d'éviter le gaspillage.
Réutilisation des restes : Intégrer les restes dans des plats du jour ou des préparations spécifiques pour éviter le gaspillage.
Exemple : Réutiliser les chutes de légumes pour préparer des bouillons ou des soupes.
KPI à suivre : Coût des matières premières en pourcentage des ventes, taux de gaspillage alimentaire.
4. Ajustement des Horaires et Suppression des Horaires Atypiques
Objectif : Réduire le turnover du personnel et augmenter la satisfaction des employés.
Description : Réduire les horaires atypiques et améliorer les conditions de travail peut attirer plus de talents et réduire les coûts liés au turnover.
Actions à prendre :
Planification intelligente : Regrouper les heures d'ouverture autour des périodes de forte fréquentation pour limiter les heures creuses coûteuses.
Réduire les horaires fractionnés : Limiter les horaires coupés en ajustant les équipes selon la demande. Par exemple, embaucher des employés en temps partiel pour couvrir les heures de pointe.
Automatisation des tâches répétitives : Automatiser certaines tâches comme la plonge ou la préparation de certains ingrédients pour réduire la nécessité d’avoir du personnel sur de longues plages horaires.
Exemple : Concentrez les équipes sur les heures du déjeuner et du dîner, et limitez les ouvertures en dehors de ces créneaux si le restaurant est moins fréquenté.
KPI à suivre : Taux de satisfaction des employés, taux de rotation du personnel, coûts de main-d'œuvre en pourcentage des ventes.
5. Programmes de Fidélisation et Augmentation du Panier Moyen
Objectif : Augmenter les ventes sans augmenter de manière significative les coûts variables.
Description : Inciter les clients à dépenser plus lors de chaque visite en améliorant l'expérience et en utilisant des stratégies de vente incitative.
Actions à prendre :
Vente additionnelle (upselling) : Former les serveurs pour proposer des accompagnements ou des boissons supplémentaires de manière naturelle. Offrir des promotions sur des desserts ou boissons.
Programmes de fidélité : Instaurer un programme de fidélité avec des réductions ou des offres spéciales après plusieurs visites. Cela incite les clients à revenir plus souvent.
Panier Moyen Augmenté : Selon certaines études de marché, les clients fidélisés dépensent en moyenne 18 à 25 % de plus par transaction par rapport aux clients non fidélisés. Cet effet est amplifié par les offres spécifiques et les incitations liées au programme.
Fréquence de Visite Augmentée : Les clients membres d’un programme de fidélité visitent un établissement 20 % plus souvent que les clients non fidélisés. La fréquence accrue multiplie ainsi les occasions de ventes additionnelles.
Offres spéciales : Créer des menus à prix fixe incluant entrée, plat et dessert à un prix attractif pour augmenter le panier moyen.
Exemple : Proposer un accord mets et vins pour augmenter le ticket moyen, ou des desserts en promotion pour conclure chaque repas.
KPI à suivre : Ticket moyen, fréquence de visite des clients réguliers, taux de vente des articles en upselling.
6. Optimisation des Achats et des Relations Fournisseurs
Objectif : Réduire les coûts des matières premières en négociant des prix avantageux.
Description : Travailler étroitement avec les fournisseurs pour obtenir de meilleures conditions, et centraliser les achats quand cela est possible.
Actions à prendre :
Négociation avec les fournisseurs : Négocier les prix ou envisager des contrats à long terme avec des fournisseurs pour obtenir des réductions.
Achats groupés : S'associer avec d'autres restaurants ou des groupements d'achats pour bénéficier de tarifs de gros.
Évaluation régulière des fournisseurs : Réévaluer périodiquement la compétitivité des fournisseurs et changer si de meilleures offres sont disponibles.
Exemple : Négocier des réductions pour l’achat en grande quantité de certains produits à forte rotation comme la farine ou les huiles.
KPI à suivre : Coût des achats alimentaires, pourcentage des réductions obtenues, qualité des produits.
7. Communication et Marketing Ciblés
Objectif : Attirer plus de clients sans augmenter significativement les dépenses de marketing.
Description : Utiliser des techniques de marketing ciblé pour attirer une clientèle régulière et élargir la base de clients existants.
Actions à prendre :
Réseaux sociaux : Promouvoir le restaurant sur les réseaux sociaux avec des contenus attrayants. Publier des photos des plats, des vidéos des équipes en cuisine pour humaniser le restaurant.
Collaboration avec des influenceurs locaux : Faire connaître le restaurant grâce à des influenceurs qui peuvent tester et recommander vos plats.
Marketing par courriel : Utiliser une base de données de clients pour envoyer des newsletters avec des offres spéciales ou des événements à venir.
Exemple : Organiser des soirées thématiques et en faire la promotion sur Instagram avec des photos des plats spéciaux préparés pour l’occasion.
KPI à suivre : Nombre de nouveaux clients, fréquentation journalière, retours sur investissement des campagnes de marketing.
Conclusion
L'augmentation des salaires dans un restaurant sans compromettre la rentabilité est possible à condition d'optimiser les processus, de réduire les coûts inutiles et de maximiser la valeur créée par chaque employé. En se concentrant sur une meilleure gestion des stocks, une amélioration de la productivité, une réduction du turnover grâce à une meilleure gestion des horaires et des conditions de travail, et en augmentant le ticket moyen, il est possible de créer un cercle vertueux permettant d’améliorer les salaires tout en préservant (voire améliorant) la rentabilité.
KPI's clés à surveiller incluent la marge brute, le coût des matières premières, la productivité des employés, le taux de satisfaction du personnel et des clients, ainsi que le ticket moyen. Ces indicateurs vous aideront à suivre l'impact de chaque stratégie mise en place et à ajuster les actions selon les résultats obtenus.
En conclusion, bien que ces changements puissent paraître difficiles et complexes à mettre en place, ils sont essentiels pour faire face aux nouvelles attentes et aux évolutions des mentalités du personnel. S'adapter est désormais une nécessité pour assurer la pérennité et la réussite d'un établissement de restauration. Heureusement, il existe des cabinets de conseils spécialisés, tels qu'ACF1, qui peuvent accompagner les restaurateurs dans ce processus d'adaptation. Grâce à leur expertise, vous pourrez non seulement améliorer vos performances, mais aussi créer un environnement de travail motivant et productif, en phase avec les réalités d'aujourd'hui.